Voyager a été d’une aide immense. Lorsque nos difficultés semblaient presqu’insurmontables ici, là-bas, au bout du monde, dans une culture et langue différente, nous nous apaisions et pouvions passer inaperçus. De retour en France, l’appréhension re-surgissait, il faudrait rapidement accepter d’encaisser les remarques liées à son comportement hors-norme, s’excuser et brandir la carte de la différence. Il avait 3 ans, 5 ans, 7 ans.
Alors nous avons puisé des ressources en nous décalant au quotidien mais aussi, pendant les vacances, en nous décalant sur le globe. Nous avons commencé à mener des réflexions secrètes sur les effets du voyage et la norme du quotidien. Ces attentes si relatives, liées à un environnement, et en même temps si présentes, pesantes voire oppressantes pour nous épris de liberté. Cette norme est une injonction qui met en marge.
Quelques années plus tard, l’idée même du départ et du voyage en famille compenserait la déscolarisation. Nous en attendions rien et beaucoup à la fois, un répit, un encouragement. Nous savions quelles empruntes positives le décalage horaire laissait à chaque retour. Il nous « réparait » et nous aidait à nous repérer. Il mettait aussi en lumière ses capacités voilées par la norme scolaire.
Le voyage a été et est encore un appui. Le voyage a cette faculté de pouvoir décaler les obsessions. Le changement de routine entraîne un changement des préoccupations. Bien sûr qu’il arrive que des crises surgissent en voyage, que de nouvelles obsessions s’emballent. Mais les fixations trouvent un écart, l’écart de la distance, l’écart de la différence pour s’alléger. La tyrannie d’une idée peut alors muter et se fixer ailleurs, comme sur un souvenir d’une rivière en crue.
Sur le plan scolaire, la géographie du voyage est bien utile a posteriori pour rattraper un niveau de géographie. Les voyages apprennent naturellement à se repérer sur une planisphère, se familiariser avec les continents du monde et les océans (merci Air France et sa carte interactive !), les différences, se figurer à quoi ressemble la pauvreté, la pollution des mers, ce que sont les villes connectées et mondialisées, un hub aérien, et bien plus encore.
Voilà pourquoi Décalages horaires !
Alexandra
Quel magnifique petit texte poétique et clinique à la fois ! Il nous enseigne qu’il ne faut pas croire aux vertus de l’immuabilité qui emprisonne les autistes dans leur système de protection et qu’il faut oser voyager, rencontrer l’altérité. Il conforte mes observations : les autistes aiment le changement, pas les perturbations quotidiennes mais les vrais changements, ceux qui libèrent des entraves. Merci Alexandra ! Les mamans sont décidément les premières cliniciennes auprès de leur enfant.
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Merci beaucoup à vous pour ce commentaire et l’accueil de notre témoignage. C’est vrai que mon fils aime certains changements qui ont un effet presque thérapeutique sur lui et je trouve dommage que le voyage soit encore si peu encouragé. Joseph Schovanec en parle d’ailleurs bien dans ses livres !
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